TALK
WEDNESDAY 17 JUN 2015, 19H
49 NORD 6 EST - FRAC LORRAINE - METZ (57)
Accélération et politique : les défis de la vitesse pour le vivre-ensemble
avec Hartmut Rosa, sociologue

Hertmut Rosa, sociologue
Face à l’accélération toujours croissante de la société, les temps de réflexion et de parole se réduisent, mettant en péril la délibération démocratique. Comment envisager l’avenir et le vivre ensemble ?
Malgré quelques phénomènes de décélération, beaucoup de choses semblent aller plus vite. Nombre de gens éprouvent d’ailleurs le sentiment que leur vie s’enfuit et que le temps manque pour tout faire… Si l’augmentation des vitesses est réelle, les gains de temps attendus le sont bien moins : une voiture coûte beaucoup de temps de travail et l’autoroute peut être bouchée, les mails sont plus nombreux que les lettres et les photos numériques plus abondantes que les prises argentiques… Plus largement, la multiplication des options et l’injonction moderne comme quoi une bonne vie se doit d’être bien remplie créent saturations individuelle et collective.
Dès lors, l’individu doit toujours plus mais peut sans cesse moins prévoir et préparer les étapes de sa vie. De même, les besoins de régulation et donc de prévision et d’anticipation publiques augmentent, alors que l’accélération technique et socio-économique diminue le temps disponible à cet effet. Un expédient consiste alors à mécaniser les processus de décision et les actes courants. L’organisation politique de la société a déjà été largement transférée des assemblées aux exécutifs, réputés plus rapides, remplaçant la délibération conflictuelle et démocratique par une concertation administrative et technique.
L’accélération va paradoxalement de pair avec une stagnation croissante. Comme le corps humain, lors de son déplacement motorisé, s’immobilise dans des “projectiles”, comme l’individu sommé de foncer peut succomber à cette « pathologie de la liberté » (Alain Ehrenberg) qu’est la dépression, le collectif pressé peut basculer en paralysie, telle qu’une panne de serveur informatique. Par sa dynamisation privée de direction, il subit un « enfermement sur le présent » (François Hartog). Cette « inertie fulgurante » (Paul Virilio) signifie que rien ne reste en l’état sans que quelque chose d’essentiel ne change. D’où l’impression d’une fin de la politique en tant que possibilité de façonner l’avenir.
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