MULTIPLES D'ARTISTES
17 OCT - 11 JAN 2015
49 NORD 6 EST - FRAC LORRAINE - METZ (57)
Abyme
Édition d’Anne-Emilie Philippe
Abyme, Anne-Emilie Philippe, février 2014. Impression offset 2 tons directs cuivre et bleu Production Le bel ordinaire, Pau, 2500 exemplaires.
Un livre.
Sa couverture : un morceau de ciel bleu, quelques nuages.
Pas de titre, pas un mot.
On ouvre le livre. Toujours du ciel et des nuages certes, mais on y découvre à l’intérieur un autre livre, plus petit. Et ainsi de suite, jusqu’en son centre, où l’on découvre la véritable nature de l’objet : une mise en abyme de livres et un enchâssement de rectangles de ciel.
Abyme… Le titre de ce livret conçu par Anne-Émilie Philippe n’est bien sûr pas un hasard. Outre son évidence par la forme de l’objet, le terme revêt ici un sens plus profond et plus imagé. Anne-Émilie Philippe joue avec le mot, avec l’objet éditorial, et sa manipulation par le lecteur/regardeur. La lecture est une action plutôt solitaire, mais l’image présentée nous offre une fenêtre vers l’immensité de la voûte céleste, lieu de rêveries. L’artiste nous sort du livre en même temps qu’elle appuie la propension de la lecture à susciter l’imagination.
L’abyme dans lequel le livre nous plonge est comme renversé. On lève les yeux. Et tout l’objet joue de pareils renversements. Si l’on pense que la réduction du cahier va de pair avec la réduction de l’image imprimée, on sera alors surpris de découvrir que toutes les pages de ce livre ne sont qu’une seule et même image. En effet, une seule photographie de ciel est imprimée sur un format A2, coupé en deux pour former une couverture, la moitié restante étant elle-même coupée en deux pour former le premier cahier, etc.
De ce processus simple mais néanmoins vertigineux, deux nouveaux mouvements s’opèrent. Par la séquencialité inhérente au livre – une page après l’autre – l’artiste appuie l’aspect temporel non seulement de l’acte photographique mais aussi de l’acte contemplatif. Elle donne plusieurs temps à une seule image. Mais en la divisant, elle nous propose aussi d’y entrer plus en profondeur, chose que l’on mesure une fois le cahier central ouvert, lorsque que tous les rectangles de ciel sont superposés. L’objet se teinte alors d’un ton
quasi-cinématographique. Un faux zoom/travelling dans l’image, le tout à coups de cut, bien radicaux, mais pour mieux nous laisser rêveurs.
Carine Klonowski.
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